Je viens d'avoir la chance de visiter l'exposition temporaire de ce musée sur Emile Guimet. Bien que disposée dans son espace d'une façon très éclatée et pour tout dire confuse, elle est riche et permet de rendre hommage à ce fils d'industriel qui a donné à notre pays une place significative dans les arts asiatiques en Europe et même dans le monde. L'assistance d'une excellente conférencière était précieuse.

Merci au passage à l'industrie qui a produit les richesses ayant offert au fils de famille curieux et entreprenant les moyens de ses ambitions. Avant d'être distribuée, la richesse doit être produite, ce que notre classe politique et intelligentsia "de gauche" semble encore ignorer...
 
Ce qui me conduit tout droit à certaines réflexions sur ce musée et son architecture (?).
 
Ce n'est pas une oeuvre d'architecte, mais de sculpteur. Un immense tarabiscotage des formes, elles aussi éclatées, jouant l'instabilité, la transparence, la surprise. Du baroque pur jus, très fin de siècle : du beau stérile.
 
En fait, il s'agit d'un immense déambulatoire, fait de vastes couloirs, d'escaliers vertigineux de corridors grandioses, où néanmoins, un peu de place est réservé à des expositions. L'espace construit coûte cher et cela ressemble à du gaspillage. Que ces architectes ont donc eu de la chance ! Trouver de si généreux mécènes publics ! Tant qu'il s'agit de l'argent des autres, tout va bien, jusqu'à la prise de conscience qu'on se moque de vous.
Car, on se prend à rêver que ce somptueux écrin abrite des trésors ! Et bien, détrompez-vous. On est dans le post-moderne déstructuré. Les titres des expositions permanentes, un peu boursouflés et dignes des "Précieuses Ridicules", en témoignent : Origines, les récits du monde ; Espèces, la maille du vivant ; Sociétés, le théatre des Hommes ; Eternités, visions de l'au-delà. Plus "bobo", on ne fait pas. Cela vous donne envie d'aller voir ? Le type "vieux con" auquel j'appartiens sourit en lisant ces titres ronflants et redoute que ce qu'ils recouvrent soit plein de vide. Pur procès d'intention, car je n'y suis pas allé ; mais sans désir que doit-on faire ?
 
L'exposition E. Guimet déjà, mais surtout la "Chambre des merveilles", m'ont laissé sur une inquiétude devant ce parti-pris muséal : un sentiment que les choses sont en place pour une consommation émotionnelle de faits, d'oeuvres, d'événements, sans faire appel au savoir, à l'intelligence, à la compréhension du visiteur. En faisant cela, on rentre assez vite dans la culture du supermarché. Consomme et tais-toi. N'apprends pas, ne retiens rien et surtout pas d'effort ; jouis. Sans doute craint-on qu'un peu de savoir soit discriminant, inégalitaire. J'ai la faiblesse d'être convaincu du contraire et qu'une bonne inégalité, fondée sur le mérite et l'effort est une des conditions de l'ordre du monde. Je suis mal à l'aise dans ce souk.
 
Enfin, une dernière remarque, économique. On nous dit que cette sculpture avait été achetée pour un prix de base de 61 M€ qui a terminé à 330 M€. Qui pouvait penser au départ, sauf ignorance crasse et incompétence notoire, ou pire, qu'un objet de cette complexité, avec des jeux d'architecte débridés, allait coûter au m² le prix d'un appartement de province ? Avait-on également anticipé les charges d'exploitation estimées à 13 M€ par an ? Comment ont été honorés les élus qui ont couvert cette mise en scène ? Rassurons-nous, tout ira bien... et on recommencera. Je suggère que Lyon (une ville par ailleurs si belle) se lance dans une Philharmonie. Il y a des génies prêts à concevoir des monstres, que le sommeil de la raison engendre (ce n'est pas de moi...). Étonnons-nous  d'une perte de crédibilité des élus... et un certain recul, vis-à-vis de ces architectes qui abusent.
Et surtout, confluez bien, mes amis et gardez l'esprit libre.