Il est politiquement correct d'être tolérant. Ainsi, qui oserait ne pas l'être ? Ou simplement reconnaître qu'il n'a, au fond, ni opinion ni envie d'en avoir ?

L'idée de tolérance est une idée douce, quelque chose que l'on doive choisir si l'on veut vivre en paix avec les autres. Qui prétendrait l'inverse ? Alors, nous sommes d'accord ? Essayons.

Premier obstacle ! Le mot lui même, dont on oublie vite qu'il n'est pas « approbation », mais « tolérance » seulement, avec les réserves que cela signifie. Dit autrement : « Je ne ferais pas ce que vous faites dans de telles circonstances, mais je ne vous combattrai pas pour cela ». Pour pouvoir prendre une telle position (et donc être tolérant) trois préalables : savoir ce que l'on ferait (avoir une opinion), apprécier la gravité de la différence avec ce que l'autre fait (avoir du jugement), et être assez fort pour maîtriser paisiblement une certaine désapprobation du comportement de l'autre (avoir du caractère). Pas si simple d'être tolérant !

Ainsi, la tolérance n'est pas un trait de caractère, une attitude générale, mais une réaction précise, spécifique devant un comportement d'autrui que l'on n'aurait pas dans les mêmes circonstances. Bien entendu, on trouvera toujours des gens se prétendant « tolérants ». Sachons décoder : indifférence, pose ou mauvaise foi. Ce n'est pas de la tolérance, c'est s'acheter à bon prix un costume usurpé mais politiquement correct. On jugera à l'épreuve…

Obstacle encore, et plus grave : jusqu'où tolérer un comportement différent du sien ? La question se pose chaque jour en matière de goût, de foi, de politique, d'éducation, de civilité, de différences humaines, en un mot de tout ce qui régit notre vie sociale. Et chacun, sauf le « tolérant » de service, sait qu'il faut parfois s'arrêter de tolérer, qu'il faut parfois lutter pour des valeurs qui ne tolèrent pas d'être méprisées contre ceux qui, fanatiques, bâtissent leur comportement sur des idées religieuses, politiques, morales ou autres, dressées en principes absolus. Et ne pas le faire a un nom : la lâcheté.

Alors, la tolérance, cette belle idée retrouve ses couleurs si on sait en faire cet usage, sur le fil du rasoir, au bord de l'erreur, parfois dans l'incertitude ou l'inquiétude.

Vous êtes tolérant ? En êtes-vous certain ? Alors, redevenez-le, parfois…