L'instinct de perpétuation de l'espèce est ce qui est le plus fort en nous, et conduit nos actes, que nous en soyons ou non conscients.

Il me semble que s'il est une capacité dont la nature nous a dotés, nous êtres vivants en général et êtres humains en particulier, c'est de nous reproduire et d'assurer les moyens de sa survie à notre progéniture quand elle est encore fiable et ignorante. Si nous existons encore depuis les millions d'années que notre espèce est là, c'est bien parce que cette capacité a pu continuer à s'exercer en dépit des variations considérables de l'univers qui nous entoure. Les nombreuses espèces disparues témoignent que cette précieuse capacité n'est pas un don éternel, mais un privilège limité qui peut, un jour, se perdre.

Elle repose, me semble-t-il, sur deux piliers exigeants, profondément ancrés dans notre patrimoine génétique. L'un est la pulsion de reproduction, l'autre la protection et l'éducation des petits.

Rien n'est plus fort chez l'homme en dépit de toutes les répressions, de toutes les idéologies et de tous les mythes dont ces deux piliers sont l'objet. Les parents sacrifient beaucoup pour protéger, nourrir, éduquer leurs petits que la loi défend. Une mère (un père) sacrifiera même sa vie pour sauver ses petits.
Quant à la pulsion, qu'on l'appelle libido, amour ou sexe, il est évident que rien ne nous possède plus puissamment, de notre naissance à notre lit de mort.

On peut mener une vie sous contrainte (subie ou choisie) qui ne permette pas à ces deux forces de s'exercer au moins en apparence ; on ne les annihile pas pour autant. On dévie, on transfère, on sublime tout au plus. Combien sont ceux qui, conscients confusément de l'animalité de ces forces essaient lucidement d'en maîtriser la violence ou bien, moins lucidement les refoulent jusqu'à la démence ou au crime. Les journaux nous le rappellent chaque jour.

Cette constatation m'inspire deux remarques :

  • L'une est que bien des comportements humains s'expliquent mieux si l'on accepte qu'ils résultent de ces forces et non des hautes considérations auxquelles ils sont souvent associés par certains auteurs. Mais surtout, à contrario, une société qui n'en permettrait pas l'exercice raisonnable, soit par la loi, soit en raison de la misère dont elle ne sait pas sortir, serait à terme désavoué par ses membres. La Chine du 20ème siècle n'est pas passée loin...
  • L'autre est que toute éthique, et peut-être même toute philosophie, ne peut se construire qu'en plaçant au premier plan ces forces, gages de survie de l'espèce, et non seulement leurs dérivés, aussi nobles soient-ils. Oui, bien sûr, à la liberté, à l'égalité ou à la fraternité si l'on est conscient que ce ne sont que des moyens, des propositions pour mieux vivre dans un monde stable, ce qu'il n'est que sur de faibles durées, mais que ce ne sont pas des règles suffisantes de développement de l'espèce "homme" dans un monde qui change. Là , beaucoup reste à construire.